C’est au souverain qu’appartient le soin de produire de bonnes lois. Mais qu’est-ce qu’une bonne loi ? Par bonne loi, je n’entends pas une loi juste, car aucune loi ne peut être injuste. La loi est faite par la puissance souveraine, et tout ce qui est fait par cette puissance l’est par un mandat de chaque individu du peuple et lui appartient ; or, rien de ce que tout le monde obtient ainsi ne peut être dit injuste. Il en est des lois de l’État comme des lois du jeu : ce sur quoi les joueurs agréent n’est injuste pour aucun d’entre eux. Une bonne loi est celle qui est nécessaire au bien du peuple et claire.
En effet, l’utilité des lois (qui ne sont que des règles autorisées) n’est pas d’empêcher les gens d’agir volontairement, mais de les guider dans leur mouvement de sorte qu’ils ne se causent pas de tort à eux-mêmes par l’impétuosité de leurs propres désirs, leur hardiesse et leur absence de jugement. C’est ainsi qu’il y a des haies, non pas pour arrêter les voyageurs, mais pour qu’ils restent sur la route. Donc, une loi qui n’est pas nécessaire, puisqu’elle n’a pas la vraie fin d’une loi, n’est pas bonne.
Thomas Hobbes, Léviathan, II, § 30
J’ouvre les livres de droit et de morale ; j’écoute les savants et les jurisconsultes ; et pénétré de leurs discours insinuants, je déplore les misères de la nature, j’admire la paix et la justice établies par l’ordre civil, je bénis la sagesse des institutions publiques et me console d’être homme en me voyant citoyen. Bien instruit de mes devoirs et de mon bonheur, je ferme le livre, sors de la classe, et regarde autour de moi ; je vois des peuples infortunés gémissants sous le joug de fer, le genre humain écrasé par une poignée d’oppresseurs, une foule affamée, accablée de peine et de faim, dont le riche boit en paix le sang et les larmes, et partout le fort armé contre le faible du redoutable pouvoir des lois.
Rousseau, Fragments dur l’état de guerre